MANIFESTE DE LA JEUNESSE CONGOLAISE
POUR LE NOUVEAU CINQUANTENAIRE
En attendant…
Depuis trop longtemps, nous vivons en attendant…
- Nos parents ont décidé de nous donner la vie, en attendant que la situation du pays s’améliore et qu’ils puissent nous assurer un avenir radieux;
- Nous sommes nés en attendant que la situation changerait pour nous permettre de manger et de grandir normalement ;
- Nous avons entamé nos études en attendant que les infrastructures soient améliorées, que nos enseignants soient mieux payés ;
- Nous avons fini ou abandonné nos études en attendant de trouver un emploi décent ou une opportunité de voyage à l’étranger ;
- Nous grandissons, toujours en attendant de nous marier et de fonder nos familles normalement, d’avoir accès à des soins de santé de qualité, d’avoir des rêves et de les voir se concrétiser… mais nous vieillissons, toujours en attendant !
Pendant que nous vivions en attendant, un groupuscule, mieux une caste, de surcroît minoritaire, animés par les mêmes personnes, jouissait de tous les privilèges. Ce sont ces politiciens qui se succèdent à la tête de notre pays depuis son accession à l’indépendance : les mêmes noms, les mêmes méthodes et les mêmes discours.
Ils ont entretenu notre pauvreté pour accentuer notre vulnérabilité à l’exploitation, à la manipulation et à l’instrumentalisation, servant des intérêts qui n’étaient pas les nôtres et menant des combats dont nous ne connaissions pas les causes.
Ils ont détruit notre système éducatif et foulé nos valeurs au pied, afin que nous soyons incapables de réfléchir comme des vrais hommes et que nous en arrivions à penser que notre situation cauchemardesque était une réalité normale.
Ils nous ont submergé de boissons alcoolisés et nous ont asphyxié de musique et de danse à la limite de l’indécence, pour nous distraire, pour ne pas que nous nous occupions des questions essentielles de notre existence.
Ils nous ont divisé, nous ont poussés à combattre nos propres frères, à verser le sang des fils et filles de nos mères, pour mieux régner sur nous et pour que nous les portions au pouvoir. Mais lorsqu’ils ont obtenu ce pouvoir, ils nous ont oubliés. Non seulement ils ne nous ont pas associé à la prise des décisions, mais pire encore, ils n’ont pas orienté ces décisions en notre faveur. Ils ont également oublié qu’ils sont les principaux responsables de notre situation, de notre misère et de notre désespoir. Au lieu de réfléchir sur les causes de nos problèmes, ils se sont contentés d’en attaquer quelques effets pour nous flouer.
Nous en sommes arrivés à la conclusion que l’une des principales causes de notre situation est le fait que nous ne sommes pas suffisamment et valablement représentés dans les instances des prises des décisions de notre pays.
Ayant déjà mené plusieurs actions de plaidoyer et de lobbying pour convaincre les décideurs et acteurs politiques de notre pays sur la nécessité de se pencher sur nos problèmes et de favoriser notre participation à la prise des décisions sur les questions qui nous concernent, nous avons réalisé que ces décideurs et acteurs politiques, non seulement n’ont pas conscience de nos problèmes, mais en plus les minimisent et n’ont aucune volonté d’y apporter des solutions rapides ou de nous faire participer à la prise des décisions devant résoudre ces problèmes. Ainsi, nous avons compris que seule la lutte démocratique, dans une structure organisée, pourra nous permettre de voir s’améliorer la situation des jeunes et de provoquer le grand changement, en rupture radicale avec le passé.
Nous avons donc, sans l’appui ou l’influence d’aucun politique ou partenaire au développement et avec nos propres et modiques ressources, transcendé nos divergences politiques, tribales ou idéologiques pour créer « La Coalition de la Jeunesse Congolaise », afin de fédérer nos forces dans le but de promouvoir la participation et le leadership des jeunes dans la vie politique de notre pays.
Valeurs et principes :
Nous croyons que :
1) Les acteurs politiques qui ne savent pas investir dans la jeunesse, n’ont aucune maîtrise de la complexité des problèmes présents, n’ont aucune vision d’avenir et ne peuvent pas s’inscrire dans un processus de développement durable. Par conséquent, ce sont des mauvais dirigeants dont nous ne voulons plus ;
2) Il est possible de faire respecter notre pays et de préserver ses intérêts tout en étant en parfaite harmonie avec nos voisins et, dans un sens plus large, avec la communauté internationale ; nous rejetons donc en bloc la thèse selon laquelle, la communauté internationale, les puissances occidentales, mettrait nos dirigeants dans des conditions les empêchant d’œuvrer en notre faveur ;
3) L’amélioration de notre situation relève de la responsabilité de nos dirigeants. Aucune puissance étrangère, aucun organisme international ne peut changer tangiblement notre situation tant que nos dirigeants n’en font pas une priorité ;
4) Il est possible de mener une politique basée sur la vérité et l’amour du prochain, en lieu et place d’une politique démagogique et d’hypocrisie basée sur l’ambition aveugle de conquérir ou de conserver le pouvoir ;
5) Il n’y a aucun alibi pour justifier le recours à la violence pour se faire écouter ou pour résoudre des problèmes. Les acteurs politiques qui recourent à la violence sont à bannir de la scène politique de notre pays. Ainsi, nous condamnons fermement le phénomène « combattants » qui constitue un mépris des droits humains fondamentaux et nous font douter de la crédibilité des acteurs politiques qui l’entretiennent, notamment quand à leur capacité de développer la démocratie ; dans cette optique, nous demandons aux acteurs politiques de l’opposition de condamner publiquement et de combattre ce phénomène honteux et dictatorial afin de préserver leur crédibilité ;
6) La grande majorité d’acteurs politiques congolais, tant ceux de la majorité au pouvoir que ceux ce l’opposition, sont les mêmes et sont responsables de la situation désastreuse de notre pays et particulièrement de notre jeunesse ;
7) Il faut pour notre pays un nouveau leadership, composé des hommes nouveaux ayant des discours nouveaux, non contaminé par les méthodes diaboliques du premier cinquantenaire, qui comprend nos problèmes et dispose des capacités et de la volonté nécessaires pour y apporter des solutions rapides ;
8) Les jeunes congolais ne sont pas que l’espoir de demain, mais aussi et surtout acteurs du présent. Ils sont capables et disposent de toutes les potentialités à même de changer radicalement la situation du pays ;
9) Tout congolais a le droit d’avoir l’opinion politique, religieuse, philosophique de son choix : aucun congolais ne devrait faire l’objet de mépris, de répression ou de pression, à cause de ses convictions ou de son engagement politiques, présents ou passés ;
10) La Coalition de la Jeunesse Congolaise pour le nouveau cinquantenaire n’est ni l’instrument de la majorité au pouvoir, ni celui de l’opposition : nous ne luttons que pour nous-mêmes, c’est-à-dire pour l’amélioration de la situation de la jeunesse avec la pleine participation des jeunes eux-mêmes. Car nous sommes convaincus que la grande majorité des partis politiques ne mènent pas leur combat en notre faveur.
Erreurs et Antivaleurs qui ont caractérisé le premier cinquantenaire
Après analyse pendant la Table Ronde, nous réaffirmons que le bilan catastrophique du premier cinquantenaire est principalement causé par l’égoïsme, l’intolérance et le manque de savoir-vivre ensemble de la grande majorité d’acteurs politiques qui se succèdent à la tête de notre pays depuis l’indépendance et dont la plupart continue à occuper l’espace politique actuel.
De plus, nous décrions notamment les erreurs et antivaleurs suivantes qui ont été érigés en mode de gestion du pays :
1) La démagogie : le fait d’utiliser le mensonge et la calomnie comme arme de conservation ou de conquête du pouvoir est un manque de respect envers soi-même et envers la population ; en plus, cela est un mauvais exemple qui ne doit pas être légué aux générations futures. Nous devons rompre dès à présent avec une telle politique et combattre farouchement tous ceux qui voudraient persévérer dans cette façon de faire ;
2) L’impunité : des abus et crimes se commettent soit sans que les coupables ne soient connus ou interpellés, soit pour n’aboutir qu’à des parodies de procès ;
3) La banalisation du savoir et du mérite : dans tous les secteurs de la vie nationale, aucun mécanisme officiel, objectif et indépendant n’est mis en place pour promouvoir ou encourager le savoir et le mérite. Cela a pour conséquence de décourager l’excellence au profit de la corruption ;
4) Le non-respect de la loi et des biens publics : depuis plusieurs décennies, la politique se perçoit de plus en plus comme une profession permettant à ceux qui l’exercent de se situer au dessus de la loi et de considérer les biens publics comme les leurs; cela a eu comme conséquences majeures la dilapidation des ressources et deniers publics et l’érection de la corruption comme mode de gestion et de maintien du pouvoir, d’ascension ou de maintien sociale ;
5) L’intolérance et la dictature : sans doute l’une causes majeures de notre sous-développement, l’intolérance et la dictature a empêché l’éclosion de la démocratie et est à la base des guerres inutiles qui ont emporté la vie des millions des congolais ;
6) La désacralisation du travail par la promotion du gain facile et de la culture du moindre effort : à cause notamment de la banalisation du savoir et du mérite, le travail a perdu sa valeur, si bien que la grande majorité des jeunes, dans tous les domaines de la vie, veulent gagner leur vie sans efforts et par n’importe quels moyens;
7) La corruption : ;
8) Le tribalisme, le népotisme, le clientélisme et le favoritisme.
Profil du leader politique
Pour que ce nouveau cinquantenaire dont nous devons être les principaux acteurs soit meilleur que le précédent, nous avons besoin de nouveaux hommes, porteurs d’un nouveau discours. Nous avons besoin d’un nouveau leadership politique dont nous brossons le portrait robot :
1) Etre de nationalité congolaise ;
2) Avoir une vision et être porteur d’un programme cohérent et concret ;
3) Incarner les valeurs auxquelles nous aspirons et qui sont les contraires des antivaleurs sus décriées ;
4) Etre l’exemple du respect des lois et des principes de notre pays ;
5) Disposer d’une expérience positive et des compétences avérées ;
6) Ne pas être de ceux dont la famille (femme et enfants) et les investissements sont en sécurité à l’étranger ;
7) Être une personnalité dont l’intégrité physique, mentale et morale ne fait l’ombre d’aucun doute;
8) Ne pas être un militaire ;
En plus de ces qualités, le leader politique susceptible d’être soutenu par la jeunesse congolaise devra marquer son adhésion au présent manifeste et souscrire au cahier des charges de la coalition de la jeunesse congolaise dont les principes de base sont : la priorisation des besoins spécifiques de la jeunesse et la représentation des jeunes à au moins 30% dans toutes les instances décisionnelles du pays.
Vision pour le nouveau cinquantenaire
Nous avons estimé qu’il ne serait pas responsable que nous nous réunissions pour réfléchir, que nous formions une coalition pour agir, sans définir le cadre et la direction dans lesquels nous allions agir. Ainsi, nous avons donc épinglé les grandes lignes de notre vision actuelle, pour jeter les bases d’un nouveau cinquantenaire, meilleur que le précédent.
Voici donc les lignes maitresses de cette vision dont les détails seront présentés dans un document à publier prochainement :
Sur le plan des élections et de la participation politique des jeunes :
Nous luttons pour :
1) La représentativité des jeunes à au moins 30% dans toutes les instances décisionnelles des institutions nationales, des partis politiques, mais aussi des autres secteurs de la vie de notre société;
2) La séparation du Ministère de la Jeunesse de celui des sports et en faire un Ministère d’Etat, digne de la grandeur et de l’importance de la jeunesse ;
3) La promulgation de la Politique Nationale de la Jeunesse ;
4) L’élection des candidats jeunes de la Coalition, tels qu’ils seront repris dans la liste qui sera publié en temps convenable ;
5) L’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes, dans le délai constitutionnel et dans la paix ;
6) La participation active et positive des jeunes en tant qu’électeurs, observateurs et candidats aux élections. Pour ce faire, nous utiliserons tous les bons moyens possibles pour sensibiliser, mobiliser, informer et éduquer les jeunes tout au long de ce processus électoral ;
7) Le lancement, dès maintenant, des réflexions et consultations devant permettre de dégager un consensus national en cas d’impossibilité d’organiser les élections dans les délais constitutionnels, afin d’éviter d’inutiles conflits. Ne rien faire à temps serait une démarche belliqueuse, démagogique et provocatrice qui mériterait le désaveu des pouvoirs publics par la jeunesse ;
8) Empêcher les politiciens d’intoxiquer, de manipuler ou d’instrumentaliser les jeunes – notamment d’utiliser les enfants – dans le but d’atteindre leurs objectifs ou de faire sombrer le pays dans le chaos. Pour ce faire, nous sensibilisons les acteurs politiques à l’objectivité, le nationalisme et le patriotisme dans les prises de positions afin de préserver la paix et de protéger d’innocentes vies humaines ;
9) Le renouvellement des institutions nationales par la représentation d’au moins 30% des jeunes aux assemblées provinciales et nationale lors de cette législature qui s’annonce ;
10) La mise en place des mécanismes d’observation et de surveillance des élections et de comptage des résultats, afin de prévenir la tricherie, aussi bien de la part du pouvoir en place que de l’opposition.
Sur le plan de l’éducation, la culture et les médias :
Nous luttons pour :
1) La gratuité de l’école primaire sur toute l’étendue du territoire national;
2) L’augmentation du budget alloué au secteur de l’éducation à au moins 20% dès la prochaine mandature;
3) L’octroi des bourses d’études à tous les étudiants des universités et instituts supérieurs officiels;
4) La remise en bon état ou la construction des infrastructures d’enseignement national ;
5) La reforme et l’actualisation du système éducatif congolais ;
6) Le renforcement des mesures coercitives à l’endroit des chaînes de télévision et de radio, notamment par la pénalisation de la diffusion des vidéos en rapport avec les boissons alcoolisées et la musique obscène ;
7) La mise en place d’une Haute Autorité de la Culture et de l’Education ;
Sur le plan de l’emploi et des opportunités économiques :
Nous luttons pour :
1) L’octroi des bourses ou crédits d’entreprenariat en faveur des nouveaux diplômés ;
2) L’application rigoureuse du code du travail, notamment pour la sécurisation des jeunes qui travaillent sans contrat ;
3) L’interdiction d’exiger à un jeune d’avoir de l’expérience professionnel avant d’accéder à un emploi censé justement lui donner cette expérience ;
4) Faire participer les jeunes à la gestion du Fonds National de la Micro finance ;
5) Assurer la mise en œuvre du Plan d’Action National pour l’Emploi des Jeunes (PANEJ) ;
6) Appuyer le fonctionnement du Groupe Consultatif pour l’Emploi des Jeunes (GCEJ);
7) La création d’un Fonds National pour la Jeunesse, grâce à la fixation d’une taxe aux sociétés tabassicoles et brassicoles, dont les services contribuent à renforcer la vulnérabilité des jeunes.
Sur le plan de la bonne gouvernance et de l’éthique :
Nous luttons pour :
1) La mise en place des mécanismes d’information et de contrôle populaires sur l’utilisation des deniers publics et des ressources du pays ;
2) L’édiction d’une loi obligeant les personnes occupant des fonctions publiques à déclarer régulièrement leur patrimoine devant le parlement ;
3) L’interdiction à des candidats aux élections de mener des actions liées aux prérogatives de l’Etat, telles que la réhabilitation des routes, l’installation de l’électricité, la construction des hôpitaux et surtout la distribution de billets de banque, pendant les périodes électorales.